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Louise Augustine de Nadège Reveillon

Sloop 2 - GRRRLS Monologues

POCHE/GVE

11 janvier - 7 février 2016

Texte de Nadège Reveillon

Mise en scène Isis Fahmy

Avec Rebecca Balestra, Océane Court, Jeanne de Mont, Michèle Gütner

Scénographie Sylvie Kleiber

Dramaturgie Guillaume Poix

Assistante Mise en scène Manon Krütlli

Costumes Eléanore Cassaigneau

Dans le cadre du sloop 2 avec les metteures en scène Anne Bisang, Michèle Pralong et Barbara Schlittler

 

À la Pitié-Salpêtrière, Louise qu’on a renommée Augustine, est l’une des célèbres patientes du tout aussi célèbre professeur Charcot : ses crises d’hystérie sont un véritable spectacle ; devenue l’objet d’une fascination trouble, Louise ne sait plus ce qu’elle est, ni, comment se réapproprier un corps dont on a fini par la déposséder.

 

Où es-tu quand monte en moi la nuit, quand m’environne et m’assaille la horde des contraires, Où es-tu quand ma vision se noie, que s’obstruent les canaux qui d’ordinaire me mènent au dehors, Où es-tu quand tout me glace et fond, labile et lourd à la fois, coulant sur mes pensées comme un maquillage qui s’en va d’un visage sous la chaleur, Où es-tu quand je sens que je ne te sens plus – ou trop – que tout – ou rien – me heurte au point que mes idées, ce qui reflue dans mon crâne, glissent et s’éparpillent comme un biscuit s’effrite entre des dents opiniâtres – je suis le vide et le vide me terrifie, je suis devenue le choc et le chaos, le paradoxe et l’outrance, je suis devenue quelque chose qui court, en roue libre, inatteignable (ou que par des mains de science), je suis devenue ce qu’on nommait folle, qu’on nomme folle, qu’on nommera folle, je suis devenue un cas – Où es-tu donc quand on nous emporte, nous dissèque du regard, nous donne à visiter comme une chapelle, presque effondrée, enviable trace du passé, Où es-tu quand la crise se fait, s’amorçant d’abord dans de brusques (quoique infimes) accents, s’épanchant ensuite au rythme de la saccade prolongée puis finissant dans la sueur, la bave et la sidération, Où es-tu quand on se saisit de toi et moi, qu’on te porte en cellule, toi qui n’es fait que de cela, des cellules, qu’on te traite t’ausculte t’étiquète, et que je veux dire Non ! mais que tu laisses faire, Où es-tu quand ils te pénètrent sans amour et sans accord – je te perds et tu devrais t’agiter, te rompre, les lester de coups – Où es-tu quand on dit de moi ce qu’on dit de moi, qu’on fait de toi ce qu’on fait de toi, quand on s’inspire de nous pour signifier l’égarement, la démence, et l’aliénation : l’hystérie, puisqu’il faut qu’enfin le mot soit dit – mot passé, mot morne et malotru, mot fruste et connoté, mot de souffrance et de ridicule, mot dénué de sens et trop plein d’images, mot vague et rugueux, mot, qui accroche la langue et froisse le palet – Où es-tu quand ce mot devient moi à cause de toi, que d’une Louise ils font une Augustine, que nous devenons un emblème, un totem, que nous devenons un jouet, Où es-tu, toi, mon corps, mon corps véritable – pas celui exhibé à la foire à Charcot, Pitié, non – mon corps à moi, encore à moi, et pour toujours à moi, Où es-tu quand je t’appelle et te demande de me défendre contre leurs assauts, quand je sais que je cède et peut-être en jouis, t’ayant lâché, et que tu n’as rien fait si bien qu’on peut désormais m’écrire et me dire, comme le fait Nadège Réveillon, afin de raconter que, moi, tout entière, je suis devenue une fugue et que je ne sais pas d’Où tout cela provient, si c’est de toi ou bien de moi ?

 

Nadège Reveillon / Texte /Suisse

Parce qu’elle travaille ici sur des formes musicales, cherchant à reproduire dans l’infime de la phrase toute l’amplitude d’un mouvement sonore ; parce qu’avec cette « fugue », elle propose une plongée bouleversante au cœur de l’âme et du corps d’un personnage historique entré dans la mythologie moderne ; et parce qu’il est rare de voir une partition théâtrale aussi dense et riche.

 

Isis Fahmy / Mise en scène /Suisse

Parce que cette jeune metteuse en scène développe elle aussi un univers résolument musical, traversé par un vif questionnement sur les rapports de pouvoir et l’identité feminine ; et parce qu’elle écoute aussi bien qu’elle regarde – se trouvant donc au juste endroit pour aborder ce texte fort.

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